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GCDO#10 - Dominique Aucher - Túrin, la geste d'un héros du Premier Âge


Dans l’œuvre de Tolkien, il est des personnages dont nous connaissons peu d’éléments de leur existence mais qui, néanmoins, ont un parcours de vie emblématique, digne d’une véritable épopée mythologique. Túrin est l’un de ceux-là. Fils d’une lignée honorable d’Hommes des temps anciens, du Premier Âge, Tolkien l’a fait vivre à l’époque où les Hommes et les Elfes se côtoyaient et se respectaient. Le parcours de ce Héros, au sens mythologique du terme, est relaté dans "Contes et légendes inachevés", livre indispensable qui offre des clefs pour mieux comprendre l’intégralité de l’œuvre de Tolkien. Mon intérêt envers la mythologie m’a donné envie de, humblement, avec ma sensibilité, restituer l’histoire de Túrin comme un chant, au sens homérique du terme. Proposer pour les lecteurs(trices) de Génération Cités d’Or une interprétation versifiée, comme une geste du Moyen Âge, de la vie de Túrin, hors des codes traditionnels, pour mettre en valeur les archétypes et les éléments universels contenus dans son histoire qui, comme toutes celles des Héros, est en résonance avec notre cœur, notre âme.


Honorables avatars de la race des humains,

Voici la mémorable épopée du vaillant Túrin.

Hador Tête-d’Or, le Seigneur de Dor-lòmin,

Fut l’ancêtre blond des Hommes du Nord,

Père de Galdor, grand-père d’Húrin et Huor,

Eux-mêmes, dignes pères de Tuor et Túrin.

Húrin "Le Court" épousa Morwen l’élancée,

Appelée Eledhwen, Belle-comme-une-Elfe,

Altière par son port noble, sa noire couronne,

Sur sa peau ivoirine, ses yeux ébène en relief,

Amoureuse et triste d’être devenue exilée.

Le couple royal profita des temps de paix,

Ils conçurent en premier sort Túrin l’aîné,

Suivi d’Urwen aussi Lalaith - L’Allégresse,

À la brève existence, au souvenir sans cesse,

Nienor, de sa vie, ne connut jamais son père,

Disparu après être allé, entre-temps, en guerre.


Noble fils d’un Héros luttant contre l’Ombre,

Face à Morgoth dirigeant ses forces sombres,

Les Orcs et autres créatures en grand nombre,

Quand survint du Nord le Souffle Pernicieux,

En début d’hiver, la pestilence dans les Cieux,

Ôta précocement les biens les plus précieux.

L’infection de Saturne surprit les poumons,

Des petits enfants, des vulnérables poupons,

Cibles choisies de l’insatiable faim du glouton.

Le jeune Túrin n’eut pour unique alternative,

Dans sa cinquième année, que de survivre,

À l’irréparable disparition d’Urwen, sa sœur,

Surprise dans l’étau morbide de l’oppresseur.

Tout juste le droit de garder en lui le souvenir,

De Lalaith, sa gaieté, son entrain, ses sourires,

Sentiments traduits en subir, souffrir, mourir,

Pour promptement, par instinct vital, grandir,

Éloigner quelques stupeurs, torpeurs et peurs,

Empêcher ces poisons d’encombrer son cœur,

Faisant de lui-même, l’incontestable vainqueur,

Nourri de l’amertume, la haine et la rancœur.


Le tempérament du jeune héros se façonna,

L’humeur enfantine, de suite, il abandonna,

Les desseins de son futur glorieux, il imagina,

Sous le regard de ses parents qu’il examina,

Il prit de l’un et de l’autre les vertus et mérites,

Apprit pour que le sort de sa vie ne lui évite,

Les mauvaises manœuvres et pires conduites,

Que nulles autres désillusions ne lui héritent.

L’injustice hérissait au plus haut point Túrin,

Source inévitable de malheurs et de chagrins,

Que Morwen portait désormais en son sein,

Convertie en combats par son père Húrin.

Ainsi s’était forgée en Túrin l’âme d’un mutin.

De son grand malheur, Túrin ne parla point,

Le douloureux et lourd silence comme témoin,

Il ne prononça plus jamais le nom de sa sœur,

Chercha réconfort auprès d’un piètre causeur,

Le boiteux Sador, dit "Cloche-pied", l’infirme,

Le dépositaire silencieux des secrets intimes.

Dégourdi façonneur d’outils et objets en bois,

L’ami et confident au grand cœur et dix doigts,

Répétant "Donne uniquement ce qui est à toi",

Sans oublier d’écouter inlassablement courtois,

Racontant avec plaisir ses plus grands exploits,

Réconfortant le jeune prince interdit et pantois.


Le seul ami de Túrin accueillait ses questions,

Comprendre qui était sa sœur, pour connaître,

Qui il était dans sa fondamentale introspection,

Savoir son historie ne lui suffisait pas pour être.

Le laborieux et intelligent Sador lui enseigna,

Les véritables natures des Elfes, des Hommes.

Vice, tous leurs points communs en somme,

Également leurs caractères particuliers, versa.

Les Elfes ressuscitent et ne meurent nullement,

Ils guérissent de tous leurs maux et blessures,

Le destin des Hommes inclut le dénuement,

Mène jusque dans l’au-delà leurs meurtrissures.

Fils d’Húrin et Morwen : recommanda Sador,

Je ne peux découvrir de quoi est faite ton âme,

Ainsi en tout être, elle garde des parcelles d’or,

Il n’est que toi seul, pour entretenir ta flamme.

Je serai guerrier, comme mon père dit Túrin,

Il convient mieux à ma nature que souverain.

Les forces de l’Ombre menaçaient la Lumière,

Elfes et Hommes sauvegardaient les frontières.

Face à l’agressif mal, les mortels s’engagèrent,

Les plans défensifs des éternels se fortifièrent.

Sans attendre davantage, Húrin alla en guerre,

Morwen protégea ses enfants des Ténèbres.

Après d’âpres discussions vers tel ou tel parti,

Elle quitta le palais pour rejoindre sa famille,

Lui prêt d’aller guerroyer, protéger sa dynastie,

Offrit un brillant couteau elfique à son pupille.

Héritier de la Maison de Hador, prévint Húrin,

Cadeau amicalement offert à Sador par Túrin.


Húrin partit illico pour ce voyage sans retour,

Disparut avec sa monture dans le contre-jour,

Par orgueil, se sacrifia sans possible recours,

Dans l’étau de Morgoth. Dérisoire bravoure,

De défier l’implacable ennemi de toujours.

Húrin résista aux vils chantages et discours,

Aux abominables supplices de l’épée en cours,

Jusqu’à ce que l’infâme ordonna sans rebours,

D’une poigne d’acier dans un gant de velours,

Pire torture que de contempler sans secours,

Les terres maléfiques conquises pour toujours,

Morts, noirceurs, fléaux et désastres alentours.

Morwen prit la fuite alors qu’elle était enceinte,

Avec Túrin âgé de neuf ans. Sans complaintes,

Le garçon suivit sa mère de refuges en refuges,

Brava moult dangers, tourments et déluges.

Maintes fois, Morwen réputée tantôt sorcière,

Tantôt magicienne, usa du pouvoir de mère,

Pour sauver Túrin et l’enfant en son ventre.

Reine et femme, malgré son titre à défendre,

Dans l’extrême solitude, elle conserva courage,

Face aux intimidations, trahisons et outrages,

Sacrifia de sa personne pour assurer le destin,

De Túrin devenu pour l’heure, un clandestin.


La séparation avec sa mère fut grand chagrin,

Désormais seul, sans parents ni amis ni parrain,

Le noble fuyard erra vers sa destination finale,

Chez le roi ami Thingol en sa demeure royale,

Dans le comté de Doriath, au pays des Elfes,

Pour devenir un fidèle soldat du Roi-Elfe.

Renouer l’unité des Hommes et des Génies,

Différer, bannir, faire fi des anciennes zizanies,

Joindre les forces pour combattre la tyrannie,

Demeurer insoumis, sauvegarder l’autonomie,

Tels étaient les défis à surmonter d’un enfant,

Précocement obligé de devenir indépendant.

De la montagne de l’Ombre au Val du Sirion,

Traverser les forêts labyrinthiques, désespéré,

Croyant mourir, Túrin perçut le son d’un cor,

Celui de Beleg à l’Arc de Fer, vieil ami d’Húrin,

S’empressa de conduire l’enfant à destination,

Vers Thingol le Roi-Elfe, le bienfaiteur vénéré,

Prodigue protecteur des victimes, aussi mentor.

Gentil de sa divine nature, invincible tel l’airain,

Beleg fit serment de conduire Túrin à bon port,

Faire de lui un audacieux et intrépide chevalier,

Le plus redoutable opposant de l’Abomination,

L’avenir illustre de celui ignorant être orphelin.

Thingol reçut Túrin, pareillement son enfant,

Même s’il n’était pas son héritier ni descendant,

Offrant des Elfes les armes à défaut de sagesse,

Et l’espoir de recouvrer ses terres avec audace.

Thingol et sa reine Melian envoyèrent escorte,

À Morwen, l’avertir que son héritier était sauvé,

Sain et sauf sans trop en dire, mais bien arrivé.

En réponse, avec merci sans façon réconforte,

Eledhwen offrit de l’or pour aimable dédicace,

Faute de mieux pour exprimer plus de largesse.

Pour preuve d’allégeance, le Heaume de Hador,

En acier infrangible, frappé avec ses runes d’or,

Protégeant sous son port, les coups et la mort,

Le guerrier exercé, l’espoir que Túrin l’honore.

Le Heaume de Hador, devait sceller l’accord.

Seul un digne combattant, capable de détruire,

Le bras armé de Morgoth, Glaurung le Dragon,

Pourrait être couronné du précieux trophée.

La Tête-du-dragon-du-Nord présentée à Túrin,

Qu’il refusa, peiné à la mort annoncée d’Húrin.

La langue elfique, enseignée par Nellas la Fée,

Les secrets de la Nature initiés avec attention,

Les arts de la chasse et l’affût, pour s’enquérir,

De la maîtrise de l’esprit, de l’âme et du corps.

En neuf années, il ne vit point sa jeune sœur,

Nienor, en son cœur d’exilé, source de chaleur.

Le fidèle Beleg à l’Arc de Fer l’initia avec talent,

Obstination, à l’art chevaleresque de l’archerie,

Aux techniques du sabre, du couteau, de l’épée,


La confection d’objets utiles pour subsister.

Sous la tutelle de son mentor, Túrin grandit,

Promettant de devenir un guerrier excellent.

Les prédispositions de Túrin firent des jaloux,

L’orgueilleux Saeros lui destinait fort courroux,

Fût-il de sang elfique, néanmoins envieux,

Déterminé à régler un méprisable contentieux,

Nul Homme en droit de rivaliser avec un Elfe,

Affirmant que lui seul détînt l’âme d’un chef.


Au sortir de l’adolescence, arrivé l’âge adulte,

Túrin se languissait fort de sa famille absente,

Sans nouvelles, il craignit d’éventuels malheurs,

À l’encontre des siens, de sa mère, de sa sœur,

Pressentant d’être ici, en inaction désarmante,

Décida de défier la vie, ses premiers tumultes.

Túrin manda à Thingol l’agrément pour partir,

Secourir ses êtres chers, vœu à tant il aspire.

Avec bienveillance et affection, il reçut épée,

Coutelas, couteau, cotte de mailles et bouclier,

Aussi le Heaume du Dragon, maintenant prêt,

À braver un ennemi, aussi ses démons secrets.

Armé, prêt pour jouter, le jeune Túrin s’en alla,

Vers les contrées désolées, pillées et dévastées,

Par le Malin Morgoth, et ses sordides créatures,

Les Orcs, types hybridés aux énormes statures,

Monstres écervelés, châtrés, dressés pour tuer,

Créés pour jouir de plaisir au cours des razzias.

L’impétueux n’eut point à attendre ni à espérer,

Il se délecta aux combats sanglants, meurtriers,

Plusieurs fois blessé, la mort lui passa très près,

Sa réputation de brave parmi les plus éprouvés,

Sur les champs de bataille se mit à le devancer,

Ainsi, Túrin était redouté bien avant de jouter.


Retrouvez la suite du poème de Dominique Aucher dans les pages de Génération Cités d'Or #10 :


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