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  • Photo du rédacteurAntoine Station

GCDO#06 - Elisabeth de Caligny - Les Mystères de Trianon

Dernière mise à jour : 1 sept. 2021



On aurait pu aussi appeler cet article "les fantômes du petit Trianon". Elisabeth de Caligny revient sur une légende qu'elle a plusieurs fois contée sur différentes webtv, pour en faire une synthèse agrémentée de nouveaux éléments. Pour ceux qui découvriraient pour la première fois cet étrange phénomène de bi-temporalité, voci un extrait de son article :

"En janvier 1911, est publié sous pseudonymes par deux Anglaises – Elizabeth Morrison et Miss Frances Lamont – un livre titré « An adventure », qui va connaître un succès phénoménal. La première édition française ne paraîtra qu’en 1959, élogieusement préfacée par Jean Cocteau, un passionné de métaphysique comme chacun sait. Les auteures de cet ouvrage passionnant, qui sont en réalité Miss Moberly et Miss Jourdain, relatent l’étrange aventure qu’elles ont vécue au tout début du vingtième siècle, à l’occasion de quelques visites au Petit Trianon de Versailles. Ce ne sera pas la première fois que seront évoquées les étrangetés du lieu, puisque dès le Directoire s’est répandue une rumeur voulant que le Petit Trianon soit un lieu particulièrement hanté, notamment par la Reine Marie-Antoinette. Cependant et grâce au témoignage documenté de ces deux femmes et au rigoureux travail de recherche qu’elles ont accompli – comme à celui réalisé par d’autres après la publication de leur ouvrage en France – on va passer de la simple rumeur à tout autre chose...

Vers 16 heures, après avoir visité le château, Miss Moberly et Miss Jourdain décident de se rendre au Petit Trianon. Pour se guider, elles se réfèrent à un petit manuel destiné aux touristes anglais. Le temps est lourd, si bien qu’après avoir traversé le parc de Versailles, dépassé les glacières et l’ancien corps de garde, elles ont chaud et sont fatiguées. Elles sont aussi un peu inquiètes. Se seraient-elles égarées ? Après avoir passé un portail et s’être engagées sur un sentier boisé, elles se retrouvent devant des bâtiments de ferme qui leur paraissent déserts. Inexplicablement, elles se sentent tout à coup accablées par la tristesse et se demandent ce qui leur arrive. Pour autant, elles ne vont pas échanger immédiatement leurs impressions. C’est à ce moment qu’elles vont apercevoir deux hommes qu’elles pensent être des jardiniers et qui tiennent à la main des sortes de bâtons. Ce qui les surprend, c’est qu’ils sont vêtus de longues vestes de couleur “verdâtre” et coiffés de petits tricornes, tels qu’on en portait au XVIIIème siècle. Elles remarqueront aussi quelques outils posés sur le sol, dont une brouette et une petite charrue. Elles vont s’adresser à eux et ils leur indiqueront la direction du Petit Trianon, de manière machinale, sans pratiquement lever le nez de leur ouvrage.

Un peu plus loin, Miss Jourdain va repérer une maisonnette dotée d’un escalier de pierres d’où émergent une femme et une fillette. Cette dernière qui s’apprête à saisir une cruche que lui tend la femme, est coiffée d’un bonnet blanc d’où s’échappent ses cheveux châtain clair. Elles sont vêtues de robes de coupe simple. Leurs épaules sont couvertes de foulards blancs engoncés dans leurs corsages et croisés sur le devant. Ces tenues lui paraissent plutôt insolites et ce qui la surprend encore davantage, c’est qu’elles se tiennent parfaitement immobiles comme si elles étaient restées figées dans leur mouvement. Elle dira d’elles qu’elles semblaient “prendre la pose pour un moment, comme dans un tableau vivant”. De ce surprenant arrêt sur image, Miss Jourdain ne confiera rien à Miss Moberly qui affirmera, plus tard, ne pas avoir remarqué cette scène.

En poursuivant leur chemin, les deux visiteuses vont se retrouver face à une sorte de petit bâtiment circulaire constitué de piliers et d’un mur bas. Miss Moberly affirmera que cela ressemblait à un petit kiosque à musique, un peu chinois d’apparence, qu’elle dessinera de mémoire en 1904. Le paysage lui paraîtra aussi bizarre, pour ne pas dire déplaisant, car tout y semble dénué de vie, en ce compris le petit bosquet d’arbres tout proche dont elle soulignera qu’il était “tel un bois brodé dans une tapisserie”. De son côté, Miss Jourdain n’est pas plus à l’aise. Elle se sent comme une somnambule et oppressée dans ce décor qu’elle devine irréel.

Juste à côté du kiosque, elles vont repérer un homme. Il est assis dans les herbes folles et porte un grand chapeau mou à larges bords ainsi qu’une lourde cape noire. Il va tourner la tête et les regarder fixement. Son visage est repoussant et son expression odieuse. La peau de son visage est grêlée et sombre. A cet instant, Miss Moberly sent une sorte de panique la gagner. De son côté, Miss Jourdain ne voit pas tout à fait la même chose. Certes, le personnage affiche une expression mauvaise qui lui inspire une grande répugnance, mais son regard lui paraît plutôt perdu dans le vague, comme s’il ne paraissait pas vraiment les voir. Elles vont passer devant lui en pressant le pas.

Lorsqu’elles vont atteindre les abords d’un petit lac, une sorte de cavalcade va les faire se retourner. Ce qui va les étonner, c’est qu’en dépit du vacarme, le sentier est absolument désert. C’est alors qu’à leur grande stupeur, un homme va subitement se matérialiser sur leur gauche. Elles diront avoir eu l’impression qu’il venait de jaillir du haut d’un grand rocher devant lequel il se trouve désormais posté. Il est jeune et d’une grande beauté, vêtu d’une longue cape sombre et d’une écharpe à longs pans. Elles remarqueront également ses souliers à boucles. Son visage, encadré de lourdes mèches brunes émergeant de sous un grand chapeau noir, est un peu rouge, comme s’il avait eu chaud. D’ailleurs, il est très essoufflé, comme s’il venait de courir. Miss Moberly sera interpellée par l’éclat de ses grands yeux noirs et son sourire avenant, de même que par l’expression passablement amusée qu’il affiche. Il va leur déclarer : “Mesdames, Mesdames, il ne faut pas passer par là !”. Fébrilement, il leur désignera du doigt une direction en leur disant : “Par ici… cherchez la maison !”. Miss Jourdain a remarqué qu’il s’exprimait avec un accent indéfinissable. Toujours est-il que lorsque Miss Moberly va le fixer, il aura comme un léger mouvement de recul tout en lui adressant de nouveau son étrange sourire. Un peu surprise, elle va brièvement tourner la tête vers sa compagne, mais lorsqu’elle se détournera vers lui pour le remercier, il aura disparu ! Pourtant, elle percevra le bruit tout proche de sa course. Elle ne le verra donc plus, contrairement à Miss Jourdain qui le regardera partir en courant dans la direction opposée de celle qu’il leur a désignée. Elle aussi aura été intriguée par son énigmatique sourire, mais également par un autre détail. Inexplicablement, le bruit de sa course effrénée a, en effet, brusquement cessé, alors qu’il était encore à portée de voix ..."


La suite dans les pages de Génération Cités d'Or #06 :


J'en profite pour vous rappeler la parution de l'excellent premier roman d'Elisabeth de Caligny, L'ORDRE DES CHOSES, en vente exclusive sur la boutique de GCDO : https://www.generationcitesdor.com/page-d-articles/elisabeth-de-caligny-l-ordre-des-choses

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